Le Ridotto

Par Francesco Guardi (1712-1793), conservé au Ca' Rezzonico, à Venise

" Venise est toujours prête à faire la fête. Au XVIII° siècle, la cité des Doges s'étourdit dans les délices du jeu et les intrigues amoureuses avec l'incognito et la liberté qu'offre le masque."

" Une foule d'élégants personnages masqués s'agitent, bavardent et plaisantent dans la grande salle du Ridotto (la salle de jeu) du palais Dandolo à Venise. Les masques rendent ambigues les identités et les âges. Ils font tomber les barrières sociales et ne laissent plus deviner que les différences de sexe. Des dames en habits de fête côtoient de jeunes cavaliers, ou qui sait, de vieux aristocrates.... Une marchande de fleurs et un enfant vêtu en Arlequin se sont joints à la fête sans que nul ne s'en offusque. Ce petit monde s'en ira bientot dissiper sa fortune dans les jeux de hasard, comme pour prolonger le délicieux frisson que procure l'anonymat. Un élégant seigneur se penche déjà sur une table chargée de pièces d'or, devant un prêteur qui lui montre un jeu de cartes. Il ne va pas tarder à rejoindre les autres joueurs dans l'une des pièces qui jouxtent le salon.

Depuis sa création, en 1638, le ridotto du palais Dandolo est un lieu très couru à Venise. Pendant le carnaval, on s'y presse pour manger, boire un verre de vin, rencontrer des courtisanes, et surtout pour jouer, car les jeux de hasard y sont autorisés. A condition de pouvoir miser gros, de porter la bauta (un vêtement composé d'un capuchon noir et d'une cape de dentelle) et d'avoir le visage caché derrière un masque, chacun peut pénétrer à sa guise dans l'une des dix salles mises à disposition des joueurs. Venise, malgré la manne financière considérable que lui apporte cette maison de jeu connue de l'Europe entière, décide de fermer le ridotto du palais de Dandolo en 1774 car trop de riches familles vénitiennes s'y sont ruinées. Les joueurs auront beau protester, ils devront exercer leur passion ailleurs. "